Lundi 23 novembre 2009
Le procès du webmaster du site Emule-Paradise accusé de favoriser le téléchargement illégal de films devrait se tenir en mars 2010.Seuls les lampistes, internautes anonymes adeptes du téléchargement illégal, se retrouvaient à la barre d’un tribunal. Mais cette fois, c’est une première : ce sont les animateurs d’un site Internet qui devront répondre de leurs actes devant la justice, au cours de trois jours d’audience prévus en mars prochain à Paris.
En toute discrétion, Vincent Valade, un Français de 23 ans, a été renvoyé récemment devant le tribunal, poursuivi notamment pour « mise à disposition de films sans l’autorisation de leurs ayants droit. ». Un jeune homme brillant, au profil de chef d’entreprise, loin de l’image du bidouilleur désintéressé, comme l’atteste la synthèse des investigations que nous nous sommes procurée. Les magistrats lui reprochent d’avoir permis le téléchargement, via son site Emule Paradise (
www.emule-paradise.com ), de 7 113 films. Jusqu’à fin 2006, un seul clic suffisait pour se procurer « Camping », « la Doublure », « Da Vinci code » ou « les Choristes », dont les producteurs, Galatée Films et Pathé Renn, se sont portés parties civiles. A leurs côtés, on retrouve les représentants de la production et de la distribution hexagonales, mais aussi l’humoriste Jean-Yves Lafesse.
Jusqu’à 329 000 visiteurs par jourLe 13 septembre 2006, l’arrestation de Vincent Valade fait l’effet d’une bombe sur le Net. Domicilié à Asnières (Hauts-de-Seine), il n’a alors que 20 ans. Mais son site est un poids lourd. Emule Paradise propose de télécharger le célèbre logiciel éponyme, eMule, qui permet aux internautes de s’échanger des fichiers. Le site fournit aussi des liens permettant l’accès à plusieurs milliers de longs-métrages. « Les commentaires sont élogieux sur la qualité des films », notent les enquêteurs, qui relèvent jusqu’à 329 000 connexions quotidiennes.
416 638,48 € de revenus en deux ans« Ce dossier est emblématique, dans la mesure où il bat en brèche le mythe de la gratuité, analyse Me François Pouget, avocat de Galatée et Pathé. Ces gens veulent nous faire croire qu’ils font ça pour la gloire, alors que le téléchargement illégal génère des sommes colossales. » L’instruction tend à lui donner raison. En deux ans, Vincent Valade a amassé un joli pactole : plus de 416 000 €. Plusieurs services d’enquête sont mobilisés, dont la BCRCIA (brigade centrale pour la répression des contrefaçons industrielles et artistiques). Les enquêteurs découvrent qu’une partie des fonds était domiciliée sur un compte à Chypre. Une autre de ses sociétés est immatriculée au Bélize. « Si j’ai touché des sommes importantes, ce n’est rien par rapport au chiffre d’affaires du monde du cinéma », se défend-il lors de l’enquête. « Mais les auteurs aussi ont besoin de manger, s’insurge Me Jacques Bitoun, le conseil de Jean-Yves Lafesse. On ne demande pas des millions, mais que les artistes soient rémunérés. »
La régie publicitaire en causeDans la mesure où le téléchargement était gratuit, c’est via la publicité que Vincent Valade se rémunérait. Il avait passé un accord avec Net Avenir, une régie publicitaire également poursuivie. Sur Emule Paradise figuraient ainsi des « bannières » pour la Redoute ou Dell. Contactée, Net Avenir affirme qu’elle n’est mise en examen « que » pour « avoir contribué à générer une partie très minoritaire des revenus publicitaires du site ». Des faits qu’elle « conteste formellement ». Vincent Valade possédait également Prinsexe, un site pornographique dont Emule Paradise faisait la promotion.
Porsche Cayenne et société au Luxembourg De son côté, l’intéressé refuse de communiquer. Dès la sortie de sa garde à vue, il lance sur son site un « appel de fonds » en vue de financer de futures amendes. Bénéfice : 6 000 €. Dans la foulée, il s’offre un 4 x 4 Porsche Cayenne, payé cash 70 000 €. Trois mois plus tard, en décembre 2006, les enquêteurs saisissent son ordinateur en plein téléchargement de 19 fichiers ! Ils découvrent que l’intéressé a acheté pour 15 000 € une société au Luxembourg afin de pouvoir être résident du grand-duché, où il a loué un duplex.
Source : Le Parisien